miércoles, 14 de marzo de 2012

ARTHUR RIMBAUD



OPHELIE


John Everett Millais (1829 –1896). Pintor inglés. Ofelia – detalle. 



Sobre la onda calma y negruzca donde las estrellas duermen
como una gran flor  la blanca Ofelia flotaba
flotaba muy lento, en largos velos mecida

hace más de mil años que la triste Ofelia
flota como un blanco fantasma sobre el largo río negro
hace más de mil años que su dulce locura
entona su romance a la brisa de la tarde

el viento besa sus senos y despliega en corola
sus velos mecidos muellemente por las aguas
sauces estremecidos sobre su espalda la lloran
sobre su frente dormida los rosales se inclinan

heridos nenúfares en su torno se pasman
a veces él la despierta, en un amoroso abedul
de algún nido escapa algún temblor leve de alas
un canto misterioso cae de los astros de oro

¡Oh pálida Ofelia! ¡Bella como la nieve!
¡Niña que moriste, por la corriente llevada!
Los vientos de las grandes montañas noruegas
Te habrán hablado de libertades ardidas.

Un soplo retorciendo tu gran cabellera
A tu espíritu soñador trajo excelsos sonidos
En tu corazón canta la naturaleza
En los suspiros de las noches y los quejidos del árbol.

La voz de los mares enloquecidos
Un inmenso estertor
Rompió su pecho de niña, tan humana y sencilla

Una mañana de abril, un hermoso y pálido caballero
Un pobre mudo al ocaso
Se sentó a sus rodillas

¡Sueño, Amor y Libertad! ¡Qué sueño, oh, pobre loca!

Te fundías a él como la nieve en el fuego
Tus grandes visiones retuvieron tu boca
Y el infierno terrible
Azaró tu mirada

Y dice el poeta que al rozar las estrellas
En la noche vas a buscar
Las flores que cogiste
Y que él ha visto sobre el agua
Recostada en sus largos vellones
Como una flor de lys
A la blanca Ofelia flotar


Traducción: Gabriel Mantilla Chaparro



OPHELIE


Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II
Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !

III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.





 
Arthur Rimbaud
(1854 – 1891). Poeta francés


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